Phallus et livres pour assurer la pérennité du temps

L'exposition des œuvres de Marc Henrotin et Yvette Elbaum (http://www.elbaumyvette.be) est le fruit d'une double réflexion conduite dans l'humour et la poésie. Sympathique alchimie d'un couple qui cultive la même passion - créer - alors que tant d'autres se dissolvent dans l'oisiveté !
Deux thèmes se côtoient : le phallus que Marc Henrotin, peintre et sculpteur, inscrit avec talent au nombre de ses préoccupations; le livre que Yvette Elbaum élabore page après page comme le réceptacle d'indicibles secrets.
Le culte du phallus est un phénomène universel qu'on retrouve dans toute les civilisations humaines comme source de vies et symbole de virilité.
Pas étonnant que l'image de "membre" fasse fantasmer un personnage comme Henrotin, dont le parcours passe par l'étude des mégalithes de Bretagne et dont le petit lexique symbolique s'attarde, sur les mots "bois", "phallus", "silex", synonymes d'arbres, de colonne, de pierre levée, des images qui tiennent un rôle important dans les profondeurs de la pensée humaine. Le propos de l'artiste, plus original que grave, se situe dans la ligne de ces traditions.
Un morceau de rocher, un bois flotté, une racine - pour nous d'une triste banalité - fascinent l'œil averti et sont, pour l'artiste, le point de départ de petites pièces magnifiques affinées quant à la forme et à la couleur, "miniaturisées pour mieux protéger ses rêves, apprivoiser ses cauchemars"… comme dit si joliment Pierre Mertens. Et nous de visionner de haut, comme ferait un géant, un petit monde d'objets fragiles et ô combien vénérés!
Sur simple socles de bois et sur tiges de métal, cinq phallus charmants font la "conversation". Trois autres, montés sur bois et peints aux pigments blancs, roses et bleu portent nom "Ubiquiste". Le "Robot" est un drôle de petit chariot à deux roues métalliques surmonté d'un socle exhibant un phallus triomphant. Sur fond noir et sobre, intitulés "Mica", une série de mini-dessin et collages, d'un raffinement extrême, figurent champignons (verpa conica) et petits phallus, somme toute assez ressemblants.

Monde nain
Il y a de l'art antique et de l'art nègre, de l'esprit et du rêve dans ce "monde nain" élaboré avec un méticuleux savoir-faire et un goût du clin d'œil auquel on souscrit volontiers…
Yvette Elbaum enserre ses "fragments de mémoires" (une expression chère à Jéphan de Villiers) dans d'étranges livres jouant la fusion entre la forme, la couleur, la lumière. C'est sa façon à elle de concrétiser sa réflexion. Ses "Cannes livres" de plusieurs pages polychromes flottant au vent, ses "Hagada" qu'on peut consulter, comme les journaux dans les bistrots branchés, son "livre table" en acier corten, son "livre bleu" à la couverture d'acier inoxydable laqué sont autant d'ouvrages mystérieux destinés à assurer la pérennité des mots dans le temps. On les dirait fragiles, il n' en est rien. Le "papier n'est autre que du polyester léger, léger… sur lequel s'inscrivent des icônes et des mots tracés au polychrome dans des tons délicats. Les livres, quels qu'ils soient, sont toujours fascinants. Ils ont tant de choses à raconter. Épinglons ici la délicatesse du "livre encadré", pochette transparente et scellée, pleine de dessins, dont on aimerais surprendre les messages.

 Colette Bertot (l'Écho de la Bourse)

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© marc henrotin - novembre 2012